- BLAIR (T.)
- BLAIR (T.)Tony BLAIR (1953- )Le 2 mai 1997, lorsque Tony Blair forme son cabinet, il y a dix-huit ans presque jour pour jour que le gouvernement travailliste de James Callaghan a quitté la scène politique, le lendemain des élections du 3 mai 1979 qu’il venait de perdre. Le nouveau Premier ministre n’a aucune expérience gouvernementale. Il est le plus jeune Premier ministre depuis 1812 (il fêtera ses quarante-quatre ans quatre jours plus tard) et a trois jeunes enfants: Euan, Nicholas et Kathryn, respectivement âgés de treize, onze et neuf ans.Antony Charles Lynton Blair est né à Édimbourg le 6 mai 1953, mais il n’est d’ascendance écossaise que par sa mère, Hazel McLay (fille d’un homme d’affaires de Glasgow) et par les parents adoptifs de son père, Leo, qui prend leur nom en 1948. Leo Blair se marie après avoir terminé, en 1952, ses études de droit à l’université d’Édimbourg. Il aura trois enfants. Comme son frère aîné, Bill, Tony fréquente successivement la Choristers School de Durham, puis l’internat privé (Public School) de Fettes, à Édimbourg, où il restera jusqu’à son admission à Oxford en 1972. Il supporta plus qu’il n’aima Fettes; il y détesta particulièrement le fagging , tradition qui permet aux élèves les plus âgés d’exploiter les services des plus jeunes. Tony Blair fit ses études de droit à St. John’s et ne fréquenta guère l’Oxford Union qui sert souvent de tremplin aux aspirants politiciens; tout en ne négligeant pas trop ses études (il obtint une bonne mention), il s’autorisa à prendre du bon temps; il rejoignit même un groupe de rock, les Ugly Rumours. Surtout, et cela est plus important pour la suite, il rencontra à St. John’s un prêtre australien de quinze ans son aîné, venu à Oxford pour approfondir sa réflexion théologique, Peter Thomson; ce dernier eut une influence considérable sur ses jeunes camarades, dont Blair. La famille Blair n’était guère pratiquante et, à Fettes, Tony n’avait reçu qu’un enseignement formel de la religion. Théologien «radical», Thomson lui fit découvrir les travaux des philosophes qui insistent sur la dimension «sociale» du christianisme, et notamment ceux d’un penseur écossais relativement obscur, John MacMurray, dont l’œuvre voulait concilier marxisme et christianisme. L’influence de MacMurray et de Thomson se retrouve dans l’insistance du Premier ministre à mettre en avant la notion de «communauté» et sans doute aussi dans la religiosité qui imprègne sa rhétorique. Quoi qu’il en soit, on notera qu’à Oxford, Tony Blair renouvela son engagement dans la foi chrétienne (confirmation ). Depuis lors, il n’a cessé de pratiquer sa religion et, comme tous ceux qui appartiennent à la Haute Église anglicane, il communie régulièrement, quelquefois même dans des églises catholiques, en compagnie de son épouse, ce qui ne manque pas de faire réagir les médias. Il est vrai que, s’il décidait de se convertir au catholicisme, il serait le premier catholique depuis l’Act of Establishment de 1701 à accéder au rang de Premier ministre.À l’automne 1975, quelques mois après avoir quitté Oxford, Tony Blair adhère au Parti travailliste; il a un peu plus de vingt-deux ans. Le 27 mai 1982, en pleine guerre des Malouines, il fait ses premières armes de candidat travailliste à l’occasion d’une élection partielle à Beaconsfield, circonscription tenue de tout temps par les conservateurs; en outre, le climat général n’est pas favorable au Labour et il n’obtient qu’une médiocre troisième place (avec 10 p. 100 des voix). Mais la chance lui sourit peu après; deux jours avant la clôture des dépôts de candidatures pour les élections législatives du 9 juin 1983, il est désigné comme candidat officiel du parti dans la circonscription sûre de Sedgefield; ces élections seront un triomphe pour Margaret Thatcher. Malgré tout, Tony Blair l’emporte avec 8 215 voix d’avance; score qu’il fera plus que tripler (25 143 voix) en 1997. Entre-temps, il a terminé son apprentissage juridique et il est admis au barreau en 1976. Il entre dans le cabinet d’avocats d’Alexander Andrew Mackay Irvine, Q.C. (Queen’s Counsel), avocat travailliste de renom, où il va se spécialiser en droit du travail. (pair depuis 1987, lord Irvine est actuellement le lord Chancelier du cabinet Blair). Quelque temps auparavant, une jeune juriste brillante, Cherie Booth, est aussi recrutée par Irvine; celle qui allait devenir Cherie Blair en 1980 est née dans une famille de vieille tradition travailliste (son grand-père maternel était mineur), non conformiste par la mère et catholique par le père; comme ses sœurs, elle a été élevée dans la religion catholique et elle y élève également ses enfants. Plus que les revenus du député, ce sont les revenus de Cherie qui ont permis, entre autres, l’éducation privée des enfants, l’achat de la maison d’Islington (évaluée à plus de 600 000 livres en 1997) et une vie sociale très active, surtout depuis que Tony était devenu leader de l’opposition.Tony Blair est resté simple député pendant sept mois seulement. Vite remarqué par Neil Kinnock (leader travailliste de septembre 1983 à avril 1992), il devient l’un des porte-parole de l’opposition pour les affaires économiques et financières, du début de 1984 jusqu’aux élections de juin 1987; en 1987 et 1988, il sera porte-parole pour le commerce et l’industrie; en 1988, il entre dans le cabinet fantôme où il est réélu chaque année jusqu’au moment où il remplace John Smith, qui avait succédé à Kinnock en juillet 1992 et qui meurt brutalement le 12 mai 1994. Dans le cabinet fantôme, Blair est successivement chargé de l’énergie (1988-1989), de l’emploi (1989-1992) et de l’intérieur (1992-1994). À l’emploi, c’est lui qui est chargé d’annoncer aux syndicats que le cabinet fantôme n’entend pas revenir sur la plupart des réformes des relations du travail mises en œuvre par Margaret Thatcher, notamment la suppression du monopole syndical d’embauche (closed shop ); il s’en tire sans drame. À l’intérieur, il lance, en 1993, un slogan qui fait mouche mais que la gauche lui reproche: «[nous serons] durs avec les criminels comme avec les causes de la criminalité», slogan repris par l’actuel ministre de l’Intérieur, Jack Straw. Ainsi, il n’hésite pas à afficher son «droitisme»; c’est donc en pleine connaissance de ses orientations que le parti l’élit leader, dès le premier tour, le 21 juillet 1994. Après son élection, il poursuit la rénovation du Parti travailliste, largement entamée par Neil Kinnock et par John Smith. Surtout, il fait adopter, le 29 avril 1995, lors d’un congrès extraordinaire, la modification de la clause IV, qui, depuis 1918, engage le parti à nationaliser «les moyens de production, de distribution et d’échange». Ce changement a une valeur symbolique et politique très grande.L’aggiornamento du Labour est complet; d’ailleurs, à partir de cette date, il devient officiellement le New Labour; deux ans plus tard, il pourra se présenter devant les électeurs avec un programme modéré, réaliste et crédible; l’impopularité du gouvernement Major aidant, il remportera le succès que l’on sait.
Encyclopédie Universelle. 2012.